Il est parfois difficile d’expliquer les bienfaits de la sophrologie. C’est une pratique qui se vit, se ressent et souvent les mots sont incomplets pour exprimer ce qui se passe en nous.
Si… Mais la vie est faite avant tout de petites choses ordinaires, qui peuvent devenir extraordinaires si l’on veut bien leur prêter toute l’attention nécessaire.
Bonne lecture.
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La première fois que j’ai rencontré Marcelle, elle avait 101 ans, oui vous avez bien lu, 101 ans !

Elle n’appréciait pas du tout le fait d’avoir trois chiffres à son âge, elle trouvait que çà faisait trop vieux …

Marcelle était en maison de retraite depuis 6 ans. Cheveux très courts, toute menue, elle préférait les pantalons et chemisiers, n’ayant jamais eu un penchant pour les robes, elle se disait « garçon manqué » dès sa plus tendre jeunesse. A l’époque elle adorait sentir le vent sur sa peau quand elle faisait de la moto. Elle aimait respirer la vie ainsi…

Elle fut une de mes premières clientes en sophrologie. Curieuse de nature, elle avait bien voulu tester l’atelier qui paraît t-il, lui ferait du bien. La première séance, Marcelle avait du mal à tenir ses yeux fermés, elle respirait difficilement, un mouchoir dans sa manche pour essuyer la petite goutte qui glissait le long de son nez.

Fatiguée à la fin de la pratique, elle a exprimé son bonheur d’être retourné à St Malo où elle passait ses vacances quand elle était petite fille. Elle a revu les falaises, et a senti le soleil sur peau, de la chaleur… Sa première visualisation a très bien fonctionnée…

Marcelle prendra goût à la sophrologie. Au fil des séances elle s’apaise, se retrouve, se réjouie des petits plaisirs que la vie veut bien encore lui offrir…

Lorsqu’elle a massé ses mains avec la fameuse crème Nivea lors d’un exercice sur les sens, elle sentira ses bouts de doigts chauds, alors que depuis longtemps elle pensait n’avoir que des bouts de bois morts…

Marcelle n’a raté aucun rendez vous. Toujours discrète, souriante… Elle prenait le temps de me raconter ses escapades avec sa meilleure amie, dans de bons restaurants…Sa belle porcelaine en forme de soupière, installée sur le meuble dans sa chambre, objet sentimental, offert par ses collègues à son départ en retraite… La sophrologie réveillait ses jolis souvenirs, souvent gourmands, avec entre autre les fameuses grenouilles qu’elle dévorait à l’époque !

Grâce à son enthousiasme et sa détermination elle a réussi à retourner dans ce restaurant de grenouilles du haut de ses 101 ans !!! Elle était si heureuse de me raconter son escapade …

Marcelle au fil des mois est devenue plus faible, son énergie diminuait petit  à petit, elle qui aimait tellement lire n’y arrivait plus à son grand regret… Elle commentait encore dernièrement « Si je ne peux plus lire, c’est vraiment la fin »…

Je me souviens des dernières semaines, elle arrivait à sortir de son lit pour s’installer dans son fauteuil, couverte de son tricot de laine rose sur les épaules, elle écoutait ma voix pour trouver de l’apaisement, détendre son corps et son esprit.

J’ai oublié de vous dire, Marcelle avait une grande peur, que nous avons tous plus ou moins, elle avait très peur de mourir…

Quand je lui donnais rendez vous pour la prochaine fois, elle me répondait : « oui, si je suis encore là »…

Marcelle le dernier mois de sa vie, ne pouvait plus quitter son lit. Sa respiration de plus en plus difficile, lui tendait le corps tout entier, elle dormait beaucoup, mangeait peu, elle partait petit à petit mais comme si quelque chose l’a retenait, elle s’accrochait…

Je suis retournée voir Marcelle il y a 8 jours. Juste pour passer un moment avec elle, échanger. Pendant quelques minutes je l’ai regardé dormir, petite femme si fragile dans sa chemise de nuit à la peau diaphane, son souffle était presque paisible. J’ai pris sa main et j’ai commencé à lui parler comme dans une séance. Lui parler de son corps, du souffle de vie encore présent, de ses objets, des photos autour d’elle dans sa chambre. De l’air printanier (elle vivait toujours fenêtre ouverte jour et nuit), des fleurs dans les jardins. J’avais apporté un brin de lilas, je l’ai glissé sous ses narines et lui ai décrit le parfum.

Espérant un mouvement de vie, elle a tout à coup ouvert grand ses yeux, comme revenant de très loin… J’ai sursauté… Elle m’a regardé profondément et avec beaucoup d’effort m’a murmuré « vous ressemblez à la sophrologue… »

J’ai souri et lui ai confirmé que je pouvais lui ressembler puisque c’était moi, Corinne, « la sophrologue » qui avait fait un bout de chemin avec elle.

Nous avons échangé des mots d’amour, de respect, de bienveillance. J’ai doucement caressé son visage avec le lilas, elle souriait en me susurrant « c’est doux, c’est bon ».

Marcelle était calme, dans son petit lit, son regard était profond. J’ai glissé le brin de lilas dans ses mains contre son cœur. Je l’ai embrassé, nous nous sommes avouées que nous pensions très souvent l’une de l’autre.

En partant je lui ai envoyé un baiser avec ma main, elle en a fait de même… C’était devenu notre rituelle.

Marcelle s’est éteinte hier soir, paisible, dans sa chambre pleine de toutes ses photos de famille et ses objets de cœur.

Celle lettre Marcelle,  pour te dire que je t’aime,  que tu m’aies offert un grand cadeau émotionnel,  une alliance sophronique extraordinaire.

Marcelle, la sophrologue que je suis devenue, c’est aussi en partie grâce à toi…

MERCI